Armen
Livre d’exil et d’écriture
Arléa (2020)
Armen Lubin (1903-1974) est né à Istanbul sous le nom de Chahnour Kérestédjian. Persécuté, comme ses compatriotes arméniens, il dut quitter la Turquie à l’été 1923, devenant de fait apatride. À son arrivée à Paris, il exerça la profession de retoucheur en photographie pendant plusieurs années. En parallèle, il écrivit dans des journaux arméniens, sous le nom de Chahan Chahnour, tandis qu’il faisait, aussi, ses premiers pas de poète français, sous l’aile d’André Salmon et de Jean Paulhan. Mais sa destinée fut à nouveau brisée par la tuberculose osseuse, qui le frappa au milieu des années 1930.
S’ensuivirent vingt années de séjour dans les hôpitaux et les sanatoriums de l’assistance publique, de la Salpêtrière à Berck, en passant par Bidart et Pessac. C’est dans ces lieux, loin de ses amis, avec qui il correspondait malgré tout assidument, qu’Armen Lubin écrivit son œuvre poétique, son œuvre d’écrivain français.
Relater une telle existence est une gageure. La tentation aurait été grande de romancer le récit de sa vie à la fois monotone et tragique, mais cela serait revenu à lui être infidèle. À l’inverse, la rigueur de la biographie académique n’aurait pas suffi à rendre la charge inouïe d’émotion, d’empathie, d’affection que suscite la lecture des lettres de cet homme éternellement blessé et éternellement combatif.
Il m’a semblé qu’une façon de comprendre une destinée est aussi de se poser la question de ce qui la construit : ici, ce furent l’exil, la double personnalité qui en résulta, le bilinguisme, et surtout, l’écriture. Or l’exil et écriture se trouvaient être des préoccupations qui avaient façonné ma propre existence, en pesant sur celle des miens. J’ai donc souhaité relire la vie d’Armen Lubin, et dans une certaine mesure, l’histoire dont j’avais moi-même hérité, à cette aune. Voir comment perte et création peuvent s’équilibrer dans une vie et se résoudre dans une œuvre, ce lieu où s’apaise le déchirement.
Au fond, j’ai eu envie d’écrire, à travers la vie d’Armen Lubin, la biographie de l’écriture.
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Repères chronologiques
A
3 août 1903 : Naissance à Uksudar, 23, rue Kabristan (Constantinople) de Chahnour Kérestédjian.
1923 : Fuit la persécution turque et vient à Paris. En tant qu’Arménien, il est apatride.
1928-1929 : Publication en feuilleton de son roman arménien La Retraite sans fanfare dans le quotidien arménophone publié en France Haratch.
1936 : Première hospitalisation à la Salpêtrière. Diagnostic de tuberculose osseuse. S’ensuivront 22 années dans les hôpitaux et les sanas du Sud-Ouest de la France.
1942 :Publication de Fouiller avec rien, son premier recueil en français. Il en publiera par la suite quatre autres et un recueil de textes en prose, Transfert nocturne.
1959 : Ultime opération chirurgicale par le Pr Guérin. Transfert à Berck, puis admission au Home Arménien de Saint-Raphaël.
1974 : Meurt à Fréjus.
Bibliographie
• Fouiller avec rien, Paris, Debresse, 1942.
• Le Passager clandestin, Paris, Gallimard, « Métamorphoses », 1946.
• Sainte Patience, Gallimard, 1951
• Transfert nocturne, Paris, Gallimard, 1955 (prose)
• Les Hautes Terrasses, Paris, Gallimard, 1957
• Feux contre feux, Paris, Grasset, 1968.
L’ensemble des quatre derniers recueils poétiques ont été repris, dans leurs versions remaniées, dans la collection Poésie Gallimard en 2005.
• Nahantche Arantz Yerki (La Retraite sans fanfare. Histoire illustrée des Arméniens à leur arrivée à Paris suite au génocide de 1915-1916), Imprimerie Massis, Paris, 1929. Traduit en français sous la direction de Krikor Beledian, L’Act Mem, Grenoble, 2019.
• Haraléznérou Tavadjanoutioune (La Trahison des dieux Arlèzes), Imprimerie Der Hagopian, Paris, 1931. Une partie a été traduite en français par Krikor Chahinian sous le titre de Parages d’exil, Cognac, Le Temps Qu’il Fait, 1984.
• Tertis Guiragnoria Tive (Le Numéro de dimanche de mon journal), Imprimerie Sévan, Beyrouth, 1958. Le texte « Un coeur qui rayonne » a été traduit en français par Anahide Ter Minassian et Houri Varjabédian, Marseille, Parenthèses, 2010.
• Yerguère (Œuvres), éd. d’État de l’Arménie soviétique, Erevan, 1962
• Zouïk me garmir dedragnère (Une paire de cahiers rouges), éd. de la revue Chirak, Beyrouth, 1967.
• Azaden Gomidas (Gomidas le libre), Haratch, Paris, 1970
• Pats domare (Registre ouvert), Haratch, Paris, 1970
• Grague goghkis (Le Feu à mon flanc), Haratch, 1970
• Les Cahiers bleus, Armen Lubin, l’étranger, n° 32, été-automne 1984.
• Krikor Beledian, Cinquante ans de littérature arménienne : du même à l’autre, Paris, CNRS Éditions, 2001.
• Krikor Beledian, « L’écriture comme réécriture chez Chahan Chahnour/Armen Lubin », Modern Language Open, « Poésie européenne et apatridie », sous la direction de Greg Kerr, 2019.
• Krikor Chahinian, Drame et poésie de l’exil dans l’œuvre d’Armen Lubin en particulier et d’écrivains arméniens en France en général, Thèse pour le doctorat de troisième cycle présentée à l’Université de Paris Sorbonne, sous la direction de Charles Dédeyan, Paris, 1979.
• Jean Follain, « Sur Armen Lubin », Les Cahiers des Saisons, Julliard, été 1962, p. 539.
• Hélène Gestern, « Lettres au maître qui fut l’ami : la correspondance d’Armen Lubin et de Jean Paulhan », Cahier de la Société des Lecteurs de Jean Paulhan, Jean Paulhan et ses environs, Nouvelle série, n° 6 (40e année) 2018, p. 49-68.
• Greg Kerr, « ‘Travail d’abolition’ : Illness and Statelessness in Armen Lubin », Irish Journal of French Studies, Volume 14, 2014, pp. 39-53(15)
• Henri Thomas, « Quatre textes sur Armen Lubin [La N.R.F., n° 263, novembre 1974 / La N.R.F., n° 290, février 1977 / Cahiers Bleus, n° 33 / et un inédit]», dans Cahier treize, mai 1998 « Henri Thomas» (dir. Paul Martin), p. 234-240.
Galerie
Presse
Livres-Hebdo (6 mars) (Véronique Rossignol)
Le Monde (11 juin 2020) (Jean-Louis Jeannelle)
La revue de presse intégrale est disponible sur le site de l’éditeur (Rubrique « Revue de presse » au bas de la page)
Autres médias
Rencontres
Armen est paru le 19 mars 2020, soit deux jours après le premier confinement. J’ai eu l’occasion d’en dire un mot ici.
Les occasions furent donc rares. Grand merci au Yan’s Club, à Paris, de nous avoir accueillis pour une belle soirée en octobre 2021, pour refermer cette étrange parenthèse.
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