Locus amoenus
» Mais c’est surtout la troisième [carte postale] qui a attiré mon attention. Prise depuis le large, elle avait immortalisé quatre embarcations au mouillage – un ketch, qui en cachait en partie un autre, escorté par deux barques – au mouillage, à quelques encablures de la plage. Le photographe avait utilisé la rangée d’arbustes et de bosquets qui bordait la plage pour créer un premier et un arrière-plan. La quinzaine de personnes qui avaient débarqué se répartissait ainsi en deux groupes distincts : le premier, le plus nombreux, était massé sur la plage, tandis qu’à l’arrière, trois silhouettes, qu’un effet d’optique rendait étrangement proches, avaient escaladé une langue de pierre qui saillait en surplomb sur le flanc est. Une femme – la seule du groupe – s’y était aventurée et se tenait en équilibre, les bras en croix au bord du vide. Geste pour contrebalancer le vertige ou pose humoristique prise par défi ?
Le noir et blanc de l’image donnaient au sable une texture grasse et grenue ; le ciel voilé, sa lumière étouffée, découpaient les reliefs des rochers avec une étrange netteté. Vue sous cet angle, Cézembre paraissait douce, séduisante : presque méditerranéenne. Un havre pour jouer aux raquettes ou pique-niquer le dimanche à l’ombre des tamaris. »